La coiffure est une caractéristique commune des uniformes militaires depuis des siècles et elle est un élément souvent négligé dans l'étude des uniformes militaires. Cela est particulièrement vrai à l'ère moderne où le casque en Kevlar est devenu l'une des coiffures militaires les plus reconnaissables.
Les traditions de la coiffure de l'Armée canadienne proviennent des traditions de l'Armée britannique, qui remontent à une époque où le Canada faisait partie de l'Empire britannique et où l'Armée canadienne était étroitement associée et calquée sur l'Armée britannique de l'époque. Dans cet article, le premier volet de plusieurs, nous discutons des types de coiffures que le 53rd Sherbrooke Battalion of Infantry (et plus tard, le 53rd Regiment) portait depuis sa fondation en 1866 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette période est généralement appelée «Période de la Milice», qui s’échelonnait de 1855 (la Loi sur la Milice de 1855) jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, en 1914. Cette période a été caractérisée par la création d'un grand nombre d'unités de milices urbaines et rurales vêtues de couleurs identifiant les unités, telles que des uniformes écarlates, bleus ou verts, et portant les typiques ceintures et pochettes blanches, emblématiques du soldat britannique de l'époque victorienne. L’année 1914 a vu le retrait définitif de ces tuniques et des tenues colorées spécifiques à l'unité (qui étaient déjà obsolètes depuis un certain temps) et qui furent limitées uniquement à des fonctions cérémonielles. À cette époque, la tenue de service en serge kaki était déjà devenue la norme alors que le premier contingent canadien naviguait pour l'Europe et les champs de bataille de la France et des Flandres.
L'histoire complète du 53rd Sherbrooke Battalion of Infantry dépasse largement la portée de cet article, mais 1866 est l'année où le bataillon a été autorisé et fondé. Pour plus d’informations, voir The Sherbrooke Regiment (12th Armoured Regiment) par le LCol HM Jackson MBE, ED.
Pendant cette période initiale qui a été définie par la guerre civile américaine, les raids des fenians et la Confédération canadienne, l'établissement de la Milice canadienne devint d'une importance cruciale. Le besoin d'une milice plus nombreuse, bien entraînée, armée et équipée était d'une grande urgence pour la sécurité de notre nouveau pays. Les besoins en matière d'équipement, pour la Milice canadienne en pleine expansion, incombaient aux fabricants britanniques. Ces derniers fabriquèrent de ces vêtements et coiffures à partir des règlements et normes vestimentaires de l'Armée britannique.
Le reste de cet article se concentrera spécifiquement sur les différents types de coiffures portées par les 53rd Sherbrooke, pendant la période de la milice.
La plupart des recherches pour cet article sont basées sur des oeuvres publiées et des photographies d'époque. Malheureusement, la toute première période du 53rd (de 1866 à 1880) manque de références photographiques essentielles. Par conséquent, il est difficile de déterminer les types exacts de coiffures portées. Cependant, à partir de photos d'époque d'autres bataillons des milices locales et des règlements/normes vestimentaires de l'époque, nous pouvons supposer que deux types de coiffures de base auraient été portées. La première coiffure était le «Kilmarnock Cap», d'origine écossaise, coiffure standard pour l'infanterie de ligne de la Milice canadienne des années 1860 jusqu’au début des années 1870, après quoi, elle fût remplacée par le «Glengarry».
La photographie ci-haut, montre la casquette Kilmarnock en usage par un membre du 1st Battalion, de la Milice canadienne vers 1866. Remarque: le chiffre en laiton «1» porté sur la casquette, ainsi que l'équipement de la pochette en cuir blanc – sont toutes les caractéristiques communes de l'époque. Cet homme est armé du mousquet rayé Enfield modèle 1853. La plupart des officiers de la Milice canadienne portaient le «Pattern 1855 Forage Cap» au cours de cette période. Encore une fois, même sans photographies de cette première période, il est fort probable que ce soit le type de coiffure qui fut portée par les officiers du 53rd Sherbrooke Battalion au cours de ces premières années.
Des preuves photographiques de la fin des années 1870 aux années 1880, montrent que le «Pill Box Cap» est devenu la coiffure standard des membres du rang (soldats et sous-officiers subalternes) du 53rd. Semblable à la Kilmarnock Cap en apparence, elle différait par sa taille, son style d’usage, sa construction et comprenait généralement une jugulaire. C'était la coiffure standard de la cavalerie et du génie, tant dans l'Armée britannique que dans la Milice canadienne pendant cette période. Elle était rarement portée au sein des unités d'infanterie de ligne.
Comme indiqué précédemment, le Glengarry a remplacé le Kilmarnock Cap comme coiffure standard de l'Armée britannique et de la Milice canadienne au début des années 1870, mais pour des raisons inconnues à ce jour, le Pill Box Cap a été adopté par le 53rd et continuera à être porté jusqu'à ce qu’il soit remplacé par le «Field Service Cap» vers 1898.
La photo à la gauche nous montre la casquette «Pill Box Cap» utilisée par les membres du 53rd Sherbrooke Battalion of Infantry au milieu des années 1880-1890. Notez l'utilisation de chiffres en laiton «53» - une caractéristique commune utilisée pour identifier des bataillons spécifiques de la période.
Alors que le Pill Box Cap était la norme pour le bataillon, le «Pattern 1880 Forage Cap» était la coiffure standard pour les officiers, sous-officiers supérieurs et sergents du bataillon. Adopté par l'Armée britannique en 1880 pour remplacer le Pattern 1855 Forage Cap, il fut adopté peu après par la Milice canadienne.
La photographie ci-bas montre un excellent exemple de ce modèle «Forage Cap» porté par un officier du bataillon. Les officiers devaient généralement acheter la plupart de leur propre uniforme et équipements. Pour cette raison, ces types de coiffures sont souvent de meilleure qualité (ayant été produits par des fabricants et tailleurs de chapeaux britanniques privés ou plus tard canadiens). Les chiffres brodés étaient courants et semblent être la norme dans le 53rd. À gauche, un «Forage Cap» provenant de la collection des Sherbrooke Hussars. Ce modèle a été porté jusqu'à son remplacement en 1903 par le «Naval Pattern Forage Cap.»
En 1898, l'Armée britannique adopta le «Field Service Cap» (casquette de service de campagne) en remplacement du Glengarry. Elle a été adoptée peu de temps après par la Milice canadienne comme coiffure standard de l'infanterie et était également courante parmi les autres branches et unités de soutien de la Milice canadienne. De couleur bleu
marine foncé et souvent ornées d'un insigne d’unité ou de corps, ces casquettes sont évidentes sur la plupart des photos du 53rd prises à partir entre 1899 et environ 1906. Ces casquettes furent ensuite remplacées par la «Naval Pattern Forage Cap» pour tous les grades vers environ 1906.
La photo ci-bas, sans doute prise entre 1900 et 1905, montre une équipe du 53rd Sherbrooke portant la «Field Service Cap» ainsi qu’un intéressant chandail régimentaire de couleur écarlate avec le chiffre romain «LIII» bleu marine foncé bordé de blanc. Les hommes sont armés de fusils Mark-I Magazine Lee Enfield qui venaient de remplacer le Snider Enfield vieillissant.
Ici, nous voyons une autre photo prise au début des années 1900, lors de la grève de la Dominion Textile à Magog, où l’on peut apercevoir plusieurs types de coiffures utilisées notamment le Pattern 1880 Forge Cap, le Field Service Cap et le Universal Pattern Helmet. Notez que les hommes ne sont plus équipés de ceinture et de pochette blanche, mais plutôt du ceinturon Oliver Pattern 1899 en cuir marron - de conception canadienne, le début d’une production nationale non calquée sur les modèles provenant du système d’approvisionnement britannique.
En 1903, la «Pattern 1880 Forage Cap» est remplacée par la «Naval Pattern Forage Cap» pour les officiers et les sous-officiers supérieurs et sergents. Ce type de coiffure était populaire auprès de tous les grades et était souvent équipé d'une housse en tissu blanc pour son utilisation estivale. Les insignes de casquette de régiment et de corps étaient généralement portés comme on peut le voir sur la photo ci-bas. Contrairement aux types de coiffures précédents, elles étaient plus pratiques et offraient une meilleure protection contre le soleil et les éléments.
En 1906, la Milice canadienne adopte le «Naval Pattern Forage Cap» pour tous les grades (à quelques exceptions près), remplaçant universellement tous les autres types de coiffures alors en usage. Ceci est illustré sur la photo ci-bas qui montre trois sous-officiers du 53rd Sherbrooke participant au couronnement du roi George V en 1911. Notez qu’ils portent le couvre-casquette d'été blanc ainsi que l’insigne du 53rd Sherbrooke.
La «Naval Pattern Forage Cap» sera le dernier type de coiffure porté par le régiment avant 1914. Le début de la Première Guerre mondiale verra l'abolition définitive de nombreuses traditions de la Milice canadienne, notamment celles des tuniques colorées, des redingotes et de la coiffure ornée (qui seront toutes reléguées uniquement au statut de tenue de cérémonie). À partir de 1914, la tenue en serge kakie deviendra la norme, ainsi que la casquette de tenue de service qui l'accompagne (que le premier contingent canadien portera à leur départ pour l'Europe en 1914).
Le sujet de la coiffure utilisée en temps de guerre sera traité dans un prochain épisode.
Sur la page suivante, une Naval Pattern Forage Cap pour officier supérieur, avec l’insigne de casquette du 53rd Sherbrooke. Notez la bande dorée le long du bord de la visière indiquant que cette casquette était destinée aux officiers supérieurs.
La dernière coiffure, dont il sera question dans cet article, est le «Home Service Pattern» (modèle de service à
l’unité) et les «Universal Pattern Helmets» (casques de modèle universel). Celles-ci sont visibles sur de nombreuses photos du 53rd Regiment, du début des années 1880 jusqu’au début du 20e siècle.
Le Home Service Pattern Helmet ou «Blue Velvet Helmet», comme on l'appelait parfois, a été adopté pour par l'Armée britannique en 1876 pour les soldats en service domestique (service en Grande-Bretagne). Même si le bleu foncé était la couleur standard, il existait également une version verte foncée pour les régiments de fusiliers ainsi que vert clair pour les unités de l'infanterie légère. À la fin des années 1870, le Canada a également adopté ce modèle de casque. Bien qu'autorisés à être portés par tous les grades, les seuls exemples existants du 53rd Sherbrooke semblent suggérer (du moins selon l'auteur) que seuls les officiers portaient ce casque, lequel devait être rangé dans sa boîte de transport.
Probablement en raison des coûts et de la disponibilité, ces casques ne semblent pas avoir été très courants. Il fut rapidement remplacé, officieusement, par le «British Foreign Service Pattern Helmet» (modèle de service extérieur britannique) dès 1880. Le British Foreign Service Pattern Helmet était destiné à être utilisé par les troupes britanniques lorsqu'ils étaient en service à l'extérieur de la Grande-Bretagne, d'où le terme «service extérieur». Ce modèle de casque a officiellement remplacé le «Home Service Pattern Helmet» dans le service canadien en 1886 et a été appelé le «Universal Pattern Helmet.»
La photographie ci-haut, probablement prise en 1882, montre un exemple du Home Service Pattern Helmet utilisé par un des premiers commandants du bataillon, le Lt-Col Ibbotson, commandant de 1870- 1882.
Ci-dessous, un exemple d'un 53rd Sherbrooke « Blue Velvet » ou Home Service Helmet de la collection du Musée Colby Curtis, Société d’historique de Stanstead. Les casques Home Service et Universal Pattern étaient ornés de plaques de casque en laiton avec l’identité numérique du bataillon et sa devise. L'exemple ci-dessous, est nommé au lieutenant W. Embury, 53rd Sherbrooke.
Le «Universal Pattern Helmet» (également appelé « White » Universal Pattern Helmet) était porté par tous les grades pour les évènements officiels et pour les opérations en campagne. On les aperçoit souvent sur les photographies du 53rd Battalion de la fin des années 1880 jusqu’aux premières années du 20e siècle. La photo de gauche, prise vers la fin des années 1880 ou au début des années 1890, montre le casque porté par un officier du bataillon, le lieutenant T.S. Sommers. En 1909, le casque sera officiellement aboli pour faire place à celui de la Naval Pattern Forage Cap, bien qu'il ait probablement continué à être porté lors d’occasions formelles jusqu'à la Première Guerre mondiale.
Sur la droite, nous avons un exemplaire du Universal Pattern Helmet au 53rd Sherbrooke. Notez la plaque de casque en laiton avec la couronne de la reine Victoria, la pointe en laiton et la mentonnière en laiton. Toutes les caractéristiques communes du Universal Pattern Helmet.
En 1914, même si le régiment n'avait que 48 ans, on peut constater, à l’aide de preuves photographiques, qu'au moins huit types de coiffures ont été portées. Dans le monde actuel du camouflage, de la taille unique et de l'aspect pratique, il est difficile de comprendre comment les hommes ont pu se maintenir à jour des dernières modifications des coiffures militaires. Il est fort probable que d'autres types de coiffures ont été portées et l'auteur serait intéressé de discuter avec toute personne ayant des preuves documentées à lui suggérer.
Traduction libre du texte de Lorne Waid Jr
Nov 24th, 2020
Références:
Scarlet to Khaki, Clive M. Law
Victoria’s Canadian Militia: Uniforms, Flags and Equipment of the Canadian Militia, 1837-1901, René Chartrand Canadian Campaigns 1860-70, David Ross, Grant Tyler, Rick Scollins
The Thin Red Line: Uniforms of the British Army Between 1751 and 1914,
D. S. V. Fosten, B. K. Fosten Milart: Canadian Universal Pattern Helmet, Clive M. Law
Canadian Militia Dress Regulation 1907, David Ross, René Chartrand
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